Stratégie nationale de santé ou la désillusion des infirmières libérales !
Communiqué de presse FNI du 25 septembre 13
Révolution, le ton est donné ! Avec la stratégie nationale de santé (SNS), la ministre de la Santé veut « lancer la révolution du premier recours ».
Faire la révolution, au sens politique, renverser un pouvoir pour en mettre en place un autre, devient un vrai paradoxe quand l’instant d’avant, la ministre se félicite de l’excellence de notre système de santé. Une excellence constatée et reconnue au plan international qui semble pourtant justifier qu’on lui substitue un autre système, une autre organisation. Mais on sait aujourd’hui quelles sont les têtes qui vont tomber.
En 2008, lors des États généraux de l’organisation de la santé (Égos) menés par Roselyne Bachelot, les infirmières libérales ont été purement et simplement écartées du premier recours. En 2013, avec l’annonce de cette « révolution », le couperet tombe sur l’autonomie et l’indépendance acquise des infirmières libérales, comme sur leurs aspirations à pouvoir mettre l’intégralité de leurs compétences au service des Français.
La FNI ne peut que souscrire aux 3 piliers sur lesquels repose la SNS : ancrer notre politique autour d’objectifs de santé publique, structurer la médecine de parcours à partir des soins de premier recours et développer les droits des patients. Mais quel dommage que la ministre n’ait pas pris la mesure des bénéfices, pour le système de santé, que représente l’exercice libéral en terme d’émancipation pour les femmes face au pouvoir médical. Emancipation durement acquise ayant permis de démontrer leur capacité à mieux s’organiser pour qu’il n’y ait pas de rupture dans la chaîne des soins, et ce malgré le clivage hôpital/ville que personne n’a réussi aujourd’hui à surmonter.
Les infirmières indépendantes avaient mis à profit leur autonomie de façon exemplaire pour accompagner, sans y avoir été contraintes, le virage ambulatoire. Elles ont été les premières à se regrouper et à s’organiser pour assurer la continuité des soins, en endossant des responsabilités et en remplissant des missions d’intérêt général qui s’apparentent à un service public de proximité. Le tout sans jamais appliquer de dépassements d’honoraires. Dès leur appel, les patients sont pris en charge de façon quasi immédiate, sont assurés d’une disponibilité constante et d’une prise en charge sans rupture. Des choses aussi simples que disposer d’un interlocuteur unique que vous avez choisi et qui vous suit tout au long de votre parcours, connaît votre entourage, vos conditions de vie et que vous pouvez joindre à tout moment sur son téléphone mobile, constituent pour les patients un service essentiel.
Quel décalage avec la stratégie nationale de santé qui ignore la réalité de ce service rendu. Comment les infirmières libérales peuvent-elles recevoir la stratégie nationale de santé sans se sentir encore plus ignorées, voire méprisées ?
Même lorsqu’elle évoque la création du nouveau métier d’infirmière clinicienne, alors que sa feuille de route décrit des infirmières praticiennes, la ministre confond deux métiers aux formations et aux missions très différentes, témoignage d’une réelle ignorance de la profession infirmière qui se traduit dans tous les contours de cette stratégie. Dans quel pays autre que la France peut-on construire une politique de prévention sans le concours essentiel de la profession infirmière ?
Enfin, au-delà des propos rassurants de la ministre sur le rôle des libéraux, le 29 mars dernier lors de la convention nationale du CNPS, la réalité décrite par la SNS ne laisse pas beaucoup de place pour l’exercice libéral des professions prescrites. La ministre n’a pas menti aux libéraux en leur disant qu’elle ne serait plus là avant que ce mode d’exercice disparaisse. Elle a oublié de leur dire que plus personne ne pourrait y exercer et que, contraints par l’Administration à percevoir des revenus d’honoraires partagés, les professions prescrites deviendront naturellement des salariés au service des médecins d’abord et de l’Administration. C’est donc bien une « caporalisation de la médecine de ville » qui nous est promise et que certains avaient vu venir depuis des années, tirant publiquement la sonnette d’alarme, comme le docteur Christian LEHMANN, médecin généraliste et conférencier.
Nous en avons l’illustration avec l’annonce par la ministre de la relance du projet ASALEE qui repose sur le salariat, en ville, des infirmières par les médecins, y compris des infirmières libérales. Si la ministre avait voulu signer la fin de l’exercice libéral après avoir rassuré tout le monde, elle ne n’y serait pas prise autrement.
Avec la stratégie nationale de santé, Marisol TOURAINE porte un vrai coup au moral des infirmières libérales. C’est tellement vrai que même le SNIIL, qui avait largement contribué à l’élaboration de la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire et dont la présidente avait en retour été récompensée par la légion d’honneur, se range aujourd’hui derrière la position de la FNI, après avoir longtemps claironné que « la FNI criait avant d’avoir mal ».
« Toute révolution amène forcément avec elle une hécatombe » Malcolm de Chazal
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